Pourquoi c’est Phnom Penh qui nous est venu en tête alors que nous cherchions un endroit pour bien débuter notre voyage en Asie?
Probablement parce qu’il y a quelques années, notre premier séjour dans la capitale du Cambodge nous a séduits, particulièrement après que nous ayons découvert l’hôtel Anise. Nous avions le désir de revenir dans cet endroit au charme presque surrané, avec son personnel accueillant et son décor absolument dépaysant. L’établissement est tenu par une charmante dame que nous retrouvons avec plaisir. À ma grande surprise, elle nous reconnaît et vient nous saluer avec ses yeux brillants et son sourire irrésistible.
Lors de notre première rencontre, il y a trois ans, elle m’avait expliqué qu’elle a dû fuir son pays lors de la guerre. Cette gentille dame m’a dit: surtout expliquez bien à vos lecteurs que j’ai dû recommencer à zéro, je n’avais plus rien! Je crois me souvenir qu’elle m’avait parlé de plusieurs emplois à la fois pour arriver à joindre les deux bouts et à élever sa famille. Elle est de retour dans son pays depuis quelques années et participe activement à l’économie de sa ville en employant des jeunes.
Un petit dépanneur au coin de la rue, en face de l’hôtel Anise, où nous achetons notre eau. Le matin, un moine vient y faire la prière et recueillir les offrandes. Des petits repas y sont servi, cuisinés tout près sur le trottoir. Il y a toujours de l’action, peu importe l’heure de la journée. Phnom Penh, Cambodge.
Des gratte-ciel sont en construction dans plusieurs parties de la ville. Celui-ci est juste à côté de notre hôtel. De la fenêtre de notre chambre au 5e étage, nous pouvions observer les travaux en cours. Cette pièce sert de forme pour une structure de ciment et nous apparaît bien lourde. Pas étonnant qu’il soit interdit de stationner en bas! Phnom Penh, Cambodge.
Cet homme travaille presque en haut d’un immeuble en construction, sans rien pour le retenir en cas de chute. Phnom Penh, Cambodge.
La terrasse qui entoure l’hôtel Anise sert de restaurant, il fait bon y prendre ses repas. Les visiteurs sont accueillis par un Bouddha qui fait le geste de protection. Phnom Penh, Cambodge.
Alors que j’écris, confortablement installée à la terrasse de l’hôtel, devant notre chambre au 5e étage, un mouvement attire mon attention. Un homme travaille debout sur un échafaud presque en haut de l’immense en construction devant moi. Pouvez-vous le voir? Phnom Penh, Cambodge.
Un petit coin calme sur la terrasse, à l’étage supérieur de l’hôtel Anise, juste devant notre chambre. Phnom Penh, Cambodge.
L’hôtel est un vrai oasis de paix dans une ville exubérante, en pleine expansion. Un peu partout dans la capitale, d’immenses gratte-ciel sont en construction à travers les maisons coloniales, fiers vestiges d’un passé qui n’existe plus. Dans certains quartiers, ces résidences sont un peu prises en étau entre des édifices modernes, construits tout en hauteur. Lors de nos promenades dans les rues, il faut lever la tête pour les apercevoir, car leur rez-de-chaussée est souvent occupé par des commerces ou simplement masqués par des grilles. Comme toutes les grandes villes, le meilleur et le pire se côtoient, la pauvreté et l’opulence, la propreté et l’insalubrité. Les parfums d’une cuisine succulente et les odeurs d’égouts.
Cherchez l’erreur… Une scène juste à côté de notre hôtel, où un immense gratte-ciel est en construction. Phnom Penh, Cambodge.
Tout un chargement! Espérons que celui-ci est bien attaché. Phnom Penh, Cambodge.
Des cordes à linge version Cambodgienne, elles me semblent bien pratiques. Ces supports de métal servent aussi bien à suspendre les vêtements pour le séchage que pour exposer ceux qui sont à vendre. Phnom Penh, Cambodge.
Pas facile de traverser une rue passante avec un enfant dans les bras et son commerce sur la tête. Phnom Penh, Cambodge.
Si les pneus de votre moto manquent d’air ou que ceux de votre voiture doivent être changés, il est possible d’obtenir les services d’un garagiste sur le trottoir… Phnom Penh, Cambodge.
Nous avons l’impression que le nombre de scooters et de motos a considérablement augmenté depuis notre première visite. Déjà qu’il n’était pas évident de circuler à pied le long des rues, les trottoirs devant les commerces sont devenus des stationnements pour les véhicules à deux ou à quatre roues. Pour louer un emplacement, il suffit de payer au préposé. Il replace les motos au besoin, il aide le conducteur des voitures à reculer en toute sécurité et il n’hésite pas à arrêter le traffic si nécessaire! Un nouveau négoce est né, à un point tel qu’il est parfois difficile d’entrer dans un commerce. Se faufiler entre les motos stationnées, devient un art et en faire tomber une pourrait avoir un effet domino que je souhaite éviter à tout prix. Croyez-moi, je suis tout à fait capable de cette maladresse!
Pour nous déplacer à pied, nous en sommes réduits à contourner les autos stationnées dans tous les sens, en longeant ce qui reste de trottoir. Mieux vaut marcher face à la circulation pour voir venir les vélos, les tuk tuk, les motos et les voitures, sans oublier de regarder de tous les côtés. Nous partageons le bord de la route et à certaines heures, la circulation devient un heureux chaos où chacun réussit à se faufiler. Parfois, des familles complètes prennent place sur une moto. Souvent le conducteur ne porte que de simples gougounes…
Pour traverser, la règle reste simple. Cela ne sert pas à grand chose d’attendre son tour. Il ne vient pas. La ville n’est pas conçue pour les marcheurs. Mieux vaut s’avancer doucement, d’un pas régulier en s’assurant le plus possible d’avoir un contact visuel avec les chauffeurs que nous croisons. Un motocycliste qui discute au téléphone n’est pas plus rassurant ici que chez nous.
Malgré tout cela Phnom Penh demeure une ville paisible, ses habitants aussi. Il suffit d’un simple sourire qui vient du coeur pour qu’un visage s’éclaire en retour et que la barrière de la langue s’estompe.
À la tombée de la nuit, alors que l’air se rafraîchit un peu, la promenade sur le bord de l’eau s’anime de plus en plus. Phnom Penh, Cambodge.
La promenade le long du Tonlé Sap accueille des gens de tous les âges et s’anime davantage à la tombée de la nuit lorsque la température devient plus confortable. Phnom Penh, Cambodge.
Des vendeuses itinérantes prennent une pause le long du Tonlé Sap avant de débuter leur soirée. Celle à bicyclette vend des noix, une autre vend des rafraîchissements et celle qui a un panier sur la tête vend des barrettes pour les cheveux. Phnom Penh, Cambodge.
Cela vaut la peine de prendre notre temps et de flâner le long des rues de Phnom Penh. Ici, un petit marché nous est apparu le long d’une rue, un peu caché. Cambodge.
Un commerce itinérant: ce jeune homme vend des cocos qu’il prépare sur demande. Tout est frais. Phnom Penh, Cambodge.
Il n’y a pas beaucoup de visites à effectuer à Phnom Penh. Nous avons vu le Palais royal, le Musée National ainsi que les marchés et c’est avec plaisir que nous retrouvons la jetée le long du Tonlé Sap, le resto Friends, la librairie Books Monument et bien sûr, l’hôtel Anise. Nous avons décidé de ne pas visiter les Killing fields, ni le Musée du génocide. Après avoir beaucoup lu sur ce génocide, nous ne souhaitons pas nous y retremper. Cela nous rappelle trop qu’encore aujourd’hui, de vastes crimes sont commis envers l’humanité, juste devant nos yeux.
L’intérieur du mur entourant la Pagode d’argent a été entièrement recouvert de scène du Râmâyana. Une partie a été récemment restaurée. Phnom Penh, Cambodge.
Balcon garni de colonnades de la salle du Trône du Palais royal. Phnom Penh, Cambodge.
Une porte joliement décorée de la salle du Trône au Palais royal. Phnom Penh, Cambodge.
L’empreinte du pied de Bouddha peut être observée dans l’une des pagodes du Palais royal, Phnom Penh, Cambodge.
Une des façades de la salle du trône du Palais Royal. Phnom Penh, Cambodge.
Un de ses portiques du mur d’enceinte du Palais Royal. Le roi y a été retenu prisonnier lors de l’occupation des Khmers rouges. Le roi actuel y habite toujours. Phnom Penh, Cambodge.
Quarante ans après la libération du pays du joug des Khmers rouges, nous observons une jeunesse vivante, un peuple travailleur. Le pays continue à se reconstruire, jour après jour. Dans plusieurs villes du Cambodge, il est possible de contribuer à une cause pour aider la population à risque. Soit en fréquentant un restaurant qui emploie des jeunes en difficulté et leur enseigne un métier, soit en achetant dans un magasin qui vend des produits confectionnés par des personnes handicapées ou par des femmes sorties de la prostitution. Pour vraiment aider, il suffit d’ouvrir l’oeil et de se renseigner sur la légitimité de la cause.
Le Cambodge essaie aussi de prendre soin de ses enfants. Le ChildSafe Movement dont le mandat est de protéger les enfants de la prostitution, en est un bon exemple.
Une autre bonne façon d’aider l’endroit que nous visitons est d’acheter et de consommer des produits locaux afin de permettre à la population de gagner sa vie. Loger dans de petits hôtels et manger au restaurant du coin alimente l’économie locale. C’est une règle que nous essayons de respecter peu importe le pays où nous sommes. C’est encore plus vrai au Cambodge.
Une petite maison prise entre deux édifices. Le toit aurait besoin d’être rénové, mais elle est mignonne comme tout! Phnom Penh, Cambodge.
Quel plaisir de trouver une auteur de chez nous dans une librairie de livres usagés au coeur de Phnom Penh! Cambodge.
Mon amoureux heureux de sa trouvaille dans une librairie de livres usagés: une œuvre de Roger Lemelin, en bon état. Phnom Penh, Cambodge.
Notre librairie préférée, avec un bon choix de livres en anglais et quelques parutions en français. On y trouve des écrits sur l’occupation des Khmers rouges et aussi plusieurs écrits d’auteurs de la région. Un bon moyen de comprendre le pays. Phnom Penh, Cambodge.
Cette petite librairie un peu en retrait vend des livres usagés en français! Phnom Penh, Cambodge.
En nous promenant dans la ville, je ne peux oublier qu’à l’arrivée des Khmers rouges, elle a été pratiquement vidée en l’espace d’une journée et qu’aujourd’hui, elle revit de son mieux, au fil des jours. Nous avons encore tant de questions sur la façon dont les survivants se sont réorganisés!
C’est un hasard de la vie qui se charge de fournir les réponses, par le biais d’un chauffeur de taxi.
Nous quittons le Cambodge le 7 janvier, exactement quarante ans après sa libération des Khmers rouges. La ville est très calme, la plupart des commerces et des services sont fermés. La population se souvient. En circulant dans les rues anormalement calmes, notre chauffeur de taxi nous raconte ce que sa famille a vécu, ce que son peuple a subi. Il nous raconte le retour de sa famille dans cette ville vidée de ses habitants, quatre ans plus tôt. Nous lui demandons la question qui nous brûle les lèvres depuis quelques jours: est-ce que les gens ont pu retrouver leur maison? Non, ceux qui revenaient avaient le droit de s’installer dans une maison à la condition qu’ils soient les premiers à occuper. Elle leur appartenait dorénavant. Vous comprenez alors que la plupart des propiétaires étaient probablement décédés. Comment savoir? Il fallait faire vite pour avoir un toit pour la famille, c’est ce que ses parents ont fait. La ville a été rebâtie peu à peu, sans eau, ni électricité. Sans hôpitaux, sans écoles non plus. Toute une génération de gens instruits avait été décimée, ceux qui pouvaient soigner ou enseigner avaient été considérés des intellectuels, donc éliminés.
C’est avec fierté que le chauffeur regarde autour de lui, qu’il nous montre d’un geste à quel point cette ville a évolué depuis 40 ans. Il nous décrit la résilience de son peuple, avec l’aide reçue de certains pays. Il nous dit, presque ému: vous êtes chanceux que je vous raconte tout cela. Vous savez maintenant.
Oui, nous savons maintenant et nous écoutons, avec respect.
Nous aimons Phnom Penh, profondément. C’est avec un peu de tristesse que nous quittons le pays et ses habitants si chaleureux.
Bangkok nous attend.