Il fait beau, il fait chaud, c’est la saison sèche au Cambodge. Nous dormons à Kratie, une petite ville située plusieurs heures au nord de Phnom Penh. Un peu perdue dans les rizières, elle longe le Mékong, ce fleuve mythique qui alimente mes rêves de voyage depuis si longtemps.
Les attractions principales de la ville sont les dauphins d’eau douce, le temple Phnom Sombok ainsi que le tour de l’île de Koh Trong en vélo. Ces visites sont certainement intéressantes, mais ce n’est pas ce qui nous attire aujourd’hui. Même en faisant le tour de l’île en bicyclette, il nous manquerait des explications que seul un habitant de la région peut nous offrir. Une personne qui parle la langue du pays et qui nous aiderait à comprendre la vie quotidienne des habitants de la région, sans que nous nous sentions des intrus ou des voyeurs. Après avoir refusé les excursions habituelles à l’agence de voyage du guesthouse où nous logeons, nous demandons des références pour un chauffeur de tuk tuk qui parle un peu l’anglais. Tous les conducteurs habituels semblent déjà occupés, mais nous gardons confiance. Quelques coups de fil plus tard, nous avons notre guide. Il ne sera pas libre avant une heure, mais cela nous importe peu. Nous voulons aller dans une petite ville appelée Chhlong et il nous y amènera. C’est parfait pour nous.
Sokcheat arrive un peu à l’avance et descend d’un tuk tuk tout neuf. Il arrive tout juste d’une autre sortie avec d’autres touristes. Il nous emmènera à Chhlong mais nous devons aller chercher sa remorque, munie de sièges bien rembourrés, tirée par une moto. Ce sera plus confortable et plus rapide. Elle est garée chez lui. Parfait, cela nous convient. Vous venez?
En chemin vers sa maison, notre guide nous indique un petit resto tout propre. Il s’arrête brièvement pour parler avec sa femme et taquiner sa petite fille. C’est leur nouveau restaurant, il reviendra y travailler à notre retour, en fin d’après-midi. Sa femme nous suit en moto pour aider son mari à sortir le tuk tuk-remorque du fond de la cour. Et voilà, nous sommes prêts! Ils font une bonne équipe ces deux-là.
Le coeur battant, nous prenons la route à travers les rizières et les champs de maïs, émerveillés par la campagne qui nous entoure. Mon compagnon a le sourire aux lèvres, moi aussi. Ces aventures nous plaisent tellement! Nous en avons plein les yeux, habités par un grand sentiment de liberté. C’est le bonheur du vagabondage, le sentiment indescriptible de ne pas savoir ce qui nous attend et d’en être heureux.
Des maisons sur pilotis bordent la route, au détour d’une rizière nous apercevons d’autres maisons au loin, construites autour d’un potager. Comment vous décrire ces maisons? J’essaie de les prendre en photo au passage, mais la route est cahoteuse et je photographie tantôt le ciel, tantôt la terre. Alors je m’essaie avec les mots.
Une belle rizière au détour du chemin sur la route de Chhlong, Cambodge.
Les maisons sur pilotis sont souvent regroupées autour d’une rizière ou d’un potager.
Un tout petit autel avec des offrandes est placé devant cette maison et son magasin, Kratie, Cambodge.
Sur le chemin de Chhlong, Sokcheat s’est arrêté dans un petit resto sur le bord de la route. Nous y avons dégusté d’excellents rouleaux de printemps! Kratie, Cambodge.
Assise sur une grande structure basse qui ressemble à une énorme table, cette jeune femme prépare une sauce pour accompagner ses plats, Kratie, Cambodge.
Construites de bois devenu grisâtre avec le temps, ces maisons sont érigées sur de hauts pilotis. Pourquoi sur pilotis? Parce que le Mékong gonfle considérablement pendant la saison des pluies et qu’il envahit les terres. La famille vit dans la partie haute. Dans les maisons plus anciennes, le plancher est construit de lattes de bois, un ingénieux procédé qui laisse passer l’air ainsi qu’un peu de fraîcheur. Le dessous des maisons est ouvert, à même la terre battue. L’arrangement de ces espaces dépend des besoins et des intérêts de la famille. Parfois ils sont le domaine des poules et des coqs, parfois ils servent de rangement pour des outils de toutes sortes et à l’occasion, ils sont d’un fouillis indescriptible. Pour certaines familles, c’est un refuge protégé par l’ombre de la maison, un royaume de la saison sèche, aménagé avec table et chaises, hamacs et articles de cuisine. Un endroit où il fait bon se reposer, un endroit où il fait bon recevoir des amis et des voisins.
Devant les maisons, des structures de bois sont installées, ressemblant à de grandes tables un peu basses. Les familles semblent les utiliser à différents usages. Les femmes s’y installent pour exécuter des travaux, assises sur la structure. Elles s’y retrouvent pour discuter entre elles, pour déposer leurs instruments de cuisine et préparer la nourriture ou encore pour vendre leurs productions. Cela semble un lieu pour le travail, un lieu de partage et aussi un lieu de repos à l’heure de la sieste.
Plusieurs habitants ont installé un petit commerce devant leur maison, souvent près de la route. Cela leur permet de gagner leur vie ou simplement d’ajouter à leurs revenus. Pour chaque communauté, il est possible d’acheter presque tout à proximité: des sucreries, des légumes ou de l’essence. Il n’y a pas de poste d’essence à la campagne et les habitants ont trouvé un autre moyen de s’approvisionner. Cela ressemble à une petite pompe installée sur un grand baril. Très ingénieux et surtout, très utile!
Dans la ville de Chhlong, de magnifiques anciennes maisons coloniales de l’époque française bordent le Mékong. Témoins de l’ancienne Indochine, elles ont été abandonnées puis habitées par des Cambodgiens qui n’ont pas nécessairement les moyens d’entretenir ces grandes maisons. Des commerces se sont installés au rez-de-chaussée et forment maintenant un marché.
D’anciennes demeures coloniales sont les vestiges de l’époque française. Leurs grands balcons offrent une vue imprenable sur le Mékong. Chhlong, Cambodge.
Des commerces ont maintenant pris place dans les grandes demeures coloniales et forment un grand marché. Chhlong, Cambodge.
Après avoir trouvé le gîte Le Relais de Chhlong, Sokcheat demande si nous pouvons le visiter. Cambodge.
Une des pièces intérieures du Relais de Chhlong, bien restauré, paisible et invitant. Chhlong, Cambodge.
Le Relais de Chhlong occupe une demeure coloniale du temps où le Cambodge s’appelait Indochine. Chhlong, Cambodge.
Avant de partir pour la journée, nous avons lu un article au sujet de l’une de ces maisons qui a été restaurée et qui est devenue un gîte appelé le Relais de Chhlong. Sokcheat ne connaît pas l’endroit, mais en peu de temps il le trouve et nous obtient la permission de visiter. C’est tellement beau et bien rénové! J’y passerais volontiers plusieurs mois pour y écrire!
Nous visitons ensuite deux familles qui produisent des nouilles de riz. La technique de la première se rapproche une peu d’un travail à la chaîne, même si les instruments utilisés nous semblent un peu rudimentaires. Mon amoureux ne tarde pas à s’impliquer pour aider les femmes à presser sur la pâte afin que les nouilles ressortent du contenant prévu à cette fin. C’était bien aimable de sa part, mais les femmes lui ont démontré qu’elles ont trouvé leurs propres trucs pour bien fonctionner. Mais je crois qu’il a aimé l’expérience!
Mon amoureux s’est offert pour aider à presser la pâte de riz qui tombe dans la marmite remplie d’eau. Même avec l’effet de levier il n’est pas assez lourd! Sokcheat doit ajouter du poids. Chhlong, Cambodge.
Les nouilles de riz sont rincées à l’eau froide. Chhlong, Cambodge.
Le poids de deux femmes est nécessaire pour presser la pâte de riz pour en faire des nouilles. Chhlong, Cambodge.
Ces femmes préparent des nouilles de riz selon une méthode artisanale traditionnelle, leur production est vendue dans le voisinage. Chhlong, Cambodge.
Dans sa petite fabrique sous sa maison, cette femme traite les grains de riz pour enlever leur enveloppe brune. Les grains proviennent des habitants des environs qui ont fait sécher leur production au soleil, sur une grande bâche, devant leur maison. Chhlong, Cambodge.
Un peu plus loin, une autre famille prépare leurs nouilles de riz avec des moyens plus près des habitudes ancestrales. Elles vendent leur production aux habitants de la région.
Tout le reste de l’après-midi nous rencontrons d’autres femmes. Certaines opèrent des appareils pour émonder le riz, d’autres préparent des sucreries au lait de coco. Une de ces femmes cuisine des collations au riz qu’elle vend à l’entrée du temple tout près. Nous y avons goûté et c’est délicieux. Cette femme nous a raconté son histoire. Elle a perdu son mari dans les bras du Mékong alors que ses trois fils étaient en bas âge. Elle les a élevés seule. Aujourd’hui, ses enfants sont grands et gagnent leur vie, mais elle tient à travailler pour ne pas vivre à leurs crochets. Une femme d’une beauté touchante, d’un air calme et digne.
Cette femme prépare des collations avec du riz et du sucre de palme enveloppés dans des feuilles de bananier qu’elle vendra ensuite à l’entrée du temple tout près. Chhlong, Cambodge.
Les collations sont bouillies dans une grande marmite jusqu’à ce que ce riz soit tendre. Les fours et la grande table basse où elle s’asseoit pour travailler sont situés sous sa maison sur pilotis. L’air y circule bien et c’est confortable. Chhlong, Cambodge.
Cette femme prépare et vend environ 600 collations de riz par jour. Elle nous a fait goûter, c’est délicieux! Chhlong, Cambodge.
Sokcheat fait le plein d’essence pour sa moto à une pompe artisanale, mais très efficace. Chhlong, Cambodge.
Robert avec Sokcheat, notre merveilleux chauffeur et guide. Kratie, Cambodge.
Tout au long de notre périple, à tous les endroits où nous arrêtons, Sokcheat nous présente et demande la permission de nous arrêter. Jamais nous avons l’impression de déranger ou de ne pas être à notre place. Les discussions se déroulent simplement et notre guide traduit facilement les propos ou les questions. Il s’amuse avec les enfants, goûte les plats cuisinés, s’intéresse aux personnes visitées. Il connaît presque tout le monde! Il est content de nous faire découvrir son univers et nous sommes heureux de nous sentir si bienvenus.
De retour au guesthouse, ravis de notre journée, nous demandons à notre chauffeur s’il a des suggestions pour le lendemain. Nous prenons entente pour un trajet dans une autre région.
Le lendemain matin, Sokcheat nous retrouve, le sourire aux lèvres, il fait ce qu’il aime. Pourtant, sa nuit a été courte, il a fini tard au restaurant. Nous commençons notre tournée par un arrêt dans des usines où sont fabriquées des briques à base de glaise. Robert et Sokcheat donnent un coup de pouce à un très jeune homme et à sa mère. Ils sont seuls et ne pourront peut-être pas fournir une production suffisante dans la journée. Nous sommes bouleversés par le jeune âge du garçon.
Les briques de glaise fraîchement fabriquées puis coupées, sont transportées à l’extérieur pour sécher au soleil. Kratie, Cambodge.
Des enfants s’amusent alors que leurs parents travaillent à l’usine de fabrication de briques. Kratie, Cambodge.
Robert et Sokcheat aident une petite famille dans une fabrique de tuiles pour les toits, en transportant les tuiles humides vers un séchoir. Kratie, Cambodge.
Les tuiles humides sont déposées sur un petit support de bois et placées sur des tablettes pour le séchage. Kratie, Cambodge.
La glaise est découpée à la pelle puis transportée par camion jusqu’à la fabrique tout près. Kratie, Cambodge.
Nous traversons ensuite le Mékong sur un traversier en compagnie de camions et de motos de toutes les couleurs.
Ces femmes préparent des décorations pour une cérémonie religieuse suite à la construction de la maison voisine. Les bonzes viendront pour la célébration. Kratie, Cambodge.
Robert participe à la fabrication de décorations pour la cérémonie qui se tiendra bientôt. Kratie, Cambodge.
Les femmes nous ont invités à nous asseoir près d’elles sur cette structure qui ressemble à une grande table basse. C’est un endroit privilégié pour travailler, socialiser où se reposer. Kratie, Cambodge.
La traversée du Mékong sur un traversier. Kratie, Cambodge.
Cette femme se déplace en moto pour vendre dans le voisinage ses légumes cuits et prêts à être consommés. Nous avons goûté un tubercule qui a le goût de la patate, c’était délicieux. Kratie, Cambodge.
Aujourd’hui encore, nous avons le privilège de rencontrer des familles qui ont développé différentes stratégies pour gagner leur vie. La récolte du riz est terminée et ils s’adonnent à d’autres tâches comme baratter du sucre de palme après l’avoir fait bouillir dans un énorme chaudron de métal placé sur un feu de bois, à l’extérieur de la maison. Bien sûr, mon amoureux a fait l’essai du barattage, avec une certaine adresse, je dois l’admettre. Puis ce fut la rencontre d’une famille qui prépare des bananes panées et frites. Pendant ce temps, notre guide taquine les enfants, prend un bébé et nous raconte le vécu des habitants de son coin de pays. Se révélant de plus en plus, il nous parle de sa famille, de ses projets, de ses défis.
Ce pont de bois craquait de toutes ses planches, mais Sokcheat l’a emprunté sans aucune crainte. Kratie, Cambodge.
Un petit pont de bois de la région de Kratie. Cambodge.
La pauvreté a plusieurs visages. Certaines maisons sont construites avec des matériaux empruntés à la nature qui ne résistent pas aux intempéries. La femme qui habite cette maison a tenu à ce que nous la prenions en photo. Kratie, Cambodge.
Sokcheat nous a acheté des masques pour nous protéger. Le soir nous aurons bien du mal à nous débarrasser de la poussière orangée qui s’est collée à notre peau et à nos vêtements. Kratie, Cambodge.
Une gentille grand-mère est venue nous faire la jasette. Kratie, Cambodge.
Sa joie de vivre est contagieuse, malgré une vie exigeante. Il ne faut pas oublier qu’après ses journées de travail, il rejoint sa femme pour travailler au restaurant.
Le barattage du sirop de palme demande force et dextérité. Mon amoureux s’en tire très bien! Kratie, Cambodge.
Le sirop de palme est bouilli sur un feu de bois. Lorsqu’il est suffisamment réduit, il est baratté à l’aide d’un dispositif artisanal et devient du sucre. Kratie, Cambodge.
Les bananes sont frites après avoir été trempées dans une pâte. C’est tellement bon! Kratie, Cambodge.
Robert prépare une banane qui sera trempée dans une pâte puis frite dans une grande marmite. Kratie, Cambodge.
Un coquet salon de coiffure pour hommes, au bord de la route. Kratie, Cambodge.
La pauvreté est présente partout. Nous avons rencontré des gens qui travaillent fort, qui ont imaginé des projets ingénieux pour survivre, qui ont pris du temps pour nous faire goûter leurs productions ou pour nous raconter un bout de leur histoire par la bouche de notre guide. Sokcheat a su nous ouvrir les portes afin que tous soient à l’aise d’échanger. J’ai adoré m’asseoir parmi ces femmes et les écouter discuter avec notre guide dans ce langage si mélodieux que nous ne comprenons pas. Nous étions bien, nous étions émerveillés.
La région de Kratie est réputée pour ses couchers de soleil sur le Mékong. Cambodge.
Pour un déplacement des plus rentables…il faut être un peu équilibriste. Kratie, Cambodge.
Les rencontres sur la route de terre orangée soulèvent beaucoup de poussière. Sokcheat porte un masque pour protéger ses poumons. Kratie, Cambodge.
En revenant de Chhlong nous rencontrons un fermier qui déplace ses buffles, nous leur laissons la place. Cambodge.
Nous sommes rentrés sous un ciel rosé par le coucher du soleil sur le Mékong, ravis d’en savoir un peu plus long sur cette vie cambodgienne. Merci la vie.
❤️ Information utile:
Pour retrouver Sokcheat composer le + 85560647227 pour un appel international. Pour un appel local: 060647227