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Les yeux de Orchha

Orchha, un village tranquille du Madhya Pradesh, blotti dans un immense site archéologique avec deux palais, des mausolées et plusieurs temples…vestiges des temps anciens. Bien loin de l’agitation et des sollicitations de Khajuraho. Une toute petite ville toute simple. D’un autre âge, d’une autre culture.

Notre premier repas à Orchha est inoubliable. Il fait plus doux en cette fin d’après-midi et nous choisissons un resto avec une terrasse sur le toit, juste devant les châteaux. Un bonheur pour les yeux. Après une longue attente, nos plats sont enfin déposés devant nous. Les odeurs qu’ils dégagent ravissent nos estomacs affamés. Notre petit-déjeuner pris très tôt avant le départ du train de Khajuraho est bien loin déjà. Un dal de lentilles jaunes, un aloo gobi et des pains naan! Des plats juste assez épicés…

Du coin de l’œil, je vois passer de grands singes un peu plus loin et me lève pour m’assurer qu’ils ne viennent pas vers nous. Mais non, ils partent dans une autre direction. Nous continuons notre repas, mieux vaut manger tandis que tout est encore chaud. C’est tellement bon!

Tout à coup, je sens une présence à côté de moi. Des grands singes se servent à même nos naans! Celui qui est le plus près de moi dépasse la table à partir du torse. Juste à la bonne hauteur pour se servir confortablement. Ses yeux à la hauteur de mes yeux. Je hurle. De peur, bien sûr mais aussi de colère de me faire piquer un repas si attendu! Sans réfléchir, je me lève et les intrus reculent. Le renfort arrive. Mes cris ont alerté les serveurs qui chassent prestement les gourmands. Tout se déroule tellement vite que mon amoureux n’a pas le temps de se lever. Lui qui est toujours prêt à me protéger!

Nous avons droit à de nouveaux naans, les autres plats n’ont pas été touchés et nous terminons notre festin sous l’œil attentif des serveurs, munitions en main pour éloigner les intrus. Le cuisinier raconte que les singes tentent souvent de le rejoindre dans sa cuisine. Il ne veut pas utiliser des pierres alors il leur lance ce qu’il a sous la main. Parfois des tomates, des patates…cette fois-ci c’est avec des petits oignons rouges que la chasse s’effectue. Et je doute que les primates apprécient…

Les deux palais de Orchha valent bien le détour. Datant du 16e et du 17ème siècles, ils sont encore impressionnants avec leurs portes en arcades et leurs cours intérieures. L’un des deux, le Jahangir Mahal, aurait été construit en l’honneur de Jahagir, un empereur Moghul, par son ami de très longue date, Veer Singh Deo. On raconte que l’empereur n’y aurait séjourné qu’une seule fois. Incroyable dépense d’argent, de temps et de matière première mais un vrai régal pour les yeux. Une véritable incursion au pays des mille et une nuits

 

Tout à côté, le Raja Mahal est encore plus finement ciselé. Encore aujourd’hui, il est possible d’admirer les peintures qui recouvrent les murs de certaines pièces, peu exposées à la lumière. Les portes de ces chambres sont fermées mais les gardiens ne se font pas prier pour les ouvrir. Imaginez pendant quelques minutes cette construction de cinq étages d’un côté et de quatre de l’autre, ses terrasses couvertes de tapis et de coussins. Les murs des pièces intérieures couverts de scènes impliquant Lord Rama, Khrisna tandis que d’autres représentent la vie quotidienne de l’époque. Un voyage dans le temps!

Les sites archéologiques sont disséminés dans la ville et nous devons nous déplacer à travers les petites rues pour les visiter. Nous adorons bien sûr ces escapades pédestres. Mais à certains moments, je me sens mal à l’aise. À plusieurs endroits, selon les habitudes d’ici, les hommes se regroupent sur le bord de la rue pour discuter, assis en demi-cercle pour déguster un tchaï. Du coin de l’œil, je vois souvent un de ces hommes donner un coup de coude à ses amis en m’apercevant. Les autres se retournent et m’examinent alors intensément lors de notre passage. Ils baissent à peine le regard lorsque je les regarde. Aucunement timide, je suis habituée à me faire regarder en voyage. C’est normal, je ne suis pas chez moi. Blanche avec les yeux bleus, portant des vêtements différents, je puis comprendre que cela attire l’attention. Mais habituellement un sourire finit par détendre l’atmosphère et les salutations fusent. Pas ici. Je ne me sens pas en danger, juste scrutée intensément, dans un lourd silence. Sans gêne, ni respect. Lors d’un repas, je questionne notre cuisinier-chasseur-de-singes et il explique que l’intention de ces gens n’est pas d’être déplacés. Leurs actes découlent d’une simple curiosité qu’ils ne pensent même pas à dissimuler. Il s’agit souvent de gens qui ont peu vu de touristes. Je comprend mieux. D’autres femmes touristes m’ont confirmé que cela leur arrive aussi. Mais parfois c’est trop et mon amoureux se fâche par un bel après-midi alors qu’un groupe d’adolescents me regarde intensément, debout juste devant moi, assez près pour me toucher. Occupée à lire dans notre guide de voyage, j’ignore les intrus. Mais je ne pourrais faire un seul pas tant ils sont proches! Et « sir » Robert fait une colère et les chasse protégeant ainsi sa princesse.

Le lendemain, la visite du palais de Datia, le Birsingh Deo, s’avère aussi passionnante que celle des palais de Orchha. Nous sommes pratiquement seuls pour visiter l’ancienne résidence du maharaja. Il a plusieurs étages et même si j’ai le vertige, je ne veux rien manquer. Les quartiers du maharaja sont situés au centre du palais et sont répartis sur sept étages.

À la fin de la visite, le guide nous demande si nous voulons rester un peu pour jouir un peu plus longtemps de la vue du troisième étage. Nous acceptons et j’en profite pour prendre des photos. Robert pour explorer davantage. Au moment de redescendre, nous cherchons l’escalier. Totalement intéressés par les propos de notre guide, nous n’avons pas prêté attention. D’autant plus que les marches sont toutes dissimulées derrière un mur et qu’il est bien difficile de reconnaître l’escalier par lequel nous sommes montés. Il y a bien plusieurs descentes mais celles que nous empruntons sont verrouillées à l’étage du bas et il nous faut remonter. Nous finissons par retrouver notre chemin à l’aide des jeunes des environs qui se promènent par là. Quelle aventure!

En fin d’après-midi, alors que nous marchons à travers le marché de Orchha, l’attention de mon amoureux est attirée par un bel étalage de biscuits colorés disposés en pyramide dans une boutique située tout juste en bordure de la rue. Vous connaissez la passion de cet homme pour ces desserts, aussi bons pour les yeux que pour le palais. Il s’approche tranquillement pour mieux voir alors qu’une vache s’approche elle aussi, venue d’un autre côté. Assis devant sa propre boutique, un marchand de l’étal voisin, lève les yeux de son journal et aperçoit la vache qui s’approche de plus en plus. Il crie à son voisin qui accourt aussitôt de l’arrière de son magasin pour protéger sa marchandise. Il arrive tout juste après que la vache ait humé les pâtisseries et risqué un grand coup de langue. Il chasse l’intruse sans trop de ménagements. Le marchand replace tranquillement ses pâtisseries sous l’œil dégouté de mon amoureux…Pas de pâtisserie pour lui…la vache est arrivée première!

Notre séjour à Orchha est teinté d’expériences diverses. Ce soir nous soupons à notre resto préféré, mais à l’intérieur cette fois-ci pour éviter nos amis les singes. Cet endroit calme où les clients discutent tranquillement se transforme presque instantanément à l’arrivée de trois touristes qui se mettent à faire un vacarme assourdissant. Ils discutent fort et rient à gorge déployée. Ils ont trouvé le moyen d’avoir une bouteille de vin, une denrée rare à Orchha. L’alcool n’y est pas vendue ouvertement. En soit, il n’y a pas de mal à boire du vin et celui-ci provient Sula, un vignoble près de Nasik. Nous y avons fait un saut l’an dernier. Le vin est délicieux. Mais ce soir, le ton monte rapidement jusqu’à ce que le trio fasse un appel avec leur tablette électronique. Ils parlent tellement fort que plus personne ne s’entend parler. Ils crient et doivent répéter car leur interlocuteur ne semble pas comprendre. Robert leur demande poliment de baisser la voix. Mais il s’attire des refus et des insultes suivies d’une invitation à sortir du resto s’il n’est pas content. À notre grande surprise d’autres clients parlent leur langue et il s’ensuit une engueulade bien sentie. Un italien n’a pas apprécié les insultes que Robert a récoltées, il le dit haut et fort. Un autre couple vient à la rescousse. Tous sont dérangés par le trio et outrés de leur comportement. Mais rien n’y fait. Les serveurs découragés ne savent plus quoi faire. Ils appellent leur patron à leur secours. Une des femmes du bruyant trio se met à m’imiter lorsque je discute avec le serveur au sujet du plat qu’il vient de me servir. Je la regarde mais je ne dis rien et ne lui accorde aucune autre attention. Cela ne vaut pas la peine. Et cela ne mènera à rien. Si deux couples d’Italiens n’ont pas réussi à les arrêter, mieux vaut lâcher prise. Heureusement le patron arrive et se rend à la table du trio maléfique qui quitte le resto non pas sans avoir passé des commentaires désobligeants sur les plats qui leur ont été servis. Ouf! Nous avons droit à des excuses du patron et des employés. Mon amoureux fulmine, avec raison. Moi je me dis que la vie s’occupera bien d’eux. Mais cette aventure nous a quand même un peu secoués. C’est si loin de nos valeurs.

Au déjeuner, le lendemain matin, le cuisinier-chasseur-de-singes nous raconte que ces gens de la veille ne seront plus admis au resto et il avoue son impuissance. « Je sais comment agir quand il s’agit de gens de mon pays, mais hier soir c’étaient des étrangers, personne ne savait quoi faire… ». Mais bon, cette aventure nous a liés avec ce courageux Italien venu à la rescousse de Robert. Il a gagné mon respect pour la vie. Ainsi que sa douce Roberta, aussi ahurie que moi de voir son amoureux habituellement calme devenir si furieux! Espérons que nous pourrons nous revoir. En Italie ou au Québec. Nous allons certainement garder le contact.

Notre séjour à Orchha a été vraiment riche en aventures et en belles rencontres. Il y a aussi Marie et Patrice, rencontrés à notre hôtel pour une période trop courte. Nous gardons aussi le contact.

Avant notre départ, mon amoureux a bénéficié d’une coupe de cheveux qui s’avérait absolument nécessaire depuis un bon moment. Il a trouvé son compte chez un barbier installé dans un minuscule abri au bord de la route avec en plus, un bon rasage et de massage de tête. Il en est ressorti tout beau, tout frais.

Nous partons pour Gwalior par un bel après-midi en laissant une ville qui nous a fait passer par toutes les émotions. Heureusement, celles qui demeurent sont le souvenir des magnifiques palais et de belles personnes dont nous garderons un excellent souvenir.

Les toits de Varanasi

Varanasi, notre deuxième séjour dans cette ville que nous aimons sans l’aimer. Même si nous avons apprécié notre première visite il y a quelques années, un retour à Varanasi ne faisait pas partie de nos projets. Mais en raison de sa proximité du site archéologique de Sarnath, la décision de s’y arrêter s’est prise toute seule. Après son illumination à Bodh Gayá, d’où nous arrivons, Lord Buddha se serait dirigé vers la région de Sarnath et il y aurait prononcé son premier sermon. Une étape importante dans l’histoire du Bouddhisme.

Lors de notre premier séjour à Varanasi, la magie avait mis beaucoup de temps à s’installer. Il avait fallu que nous déménagions dans un hôtel sur le bord du Gange pour ressentir enfin le côté mystique de cette vieille cité. Pourquoi? Parce que Varanasi a un autre visage. Celui qui se développe lorsque des touristes sont regroupés au même endroit. Lorsque l’appât du gain devient prédominant. Lorsque l’autre n’est plus une personne mais une occasion de faire de l’argent. Lorsque les gens sont si nombreux à offrir le même service qu’il faut se démarquer, faire plus de bruit que les autres pour gagner sa vie. Mais certains choisissent un chemin particulier…un chemin qui rend Varanasi difficile à aimer. Les sollicitations qui ne finissent plus, le long de rues extrêmement sales avec une circulation…indescriptible.

Et pourtant, Varanasi a beaucoup plus à offrir. Et c’est à la découverte de ces moments que nous partons avec notre caméra. Pas de projet, pas d’itinéraire. Juste suivre les ruelles qui s’ouvrent devant nous aussitôt que nous quittons la rue principale du marché.

Notre première randonnée nous mène le long des ghats, ces escaliers qui longent le Gange. Chacun des ghats porte un nom différent selon sa vocation. Ils se succèdent pour devenir de longues promenades bâties entre le fleuve sacré et de grands édifices érigés il y a plusieurs siècles. Ces gigantesques constructions arborent un air d’un autre âge, un peu perdues dans le brouillard et dans la fumée qui flotte dans l’air. Varanasi dégage sa propre odeur. Je l’ai reconnue dès mon arrivée. J’avais oublié.

Les  vaches sont omniprésentes, même dans les escaliers abrupts. C’est à se demander comment elles arrivent à s’y engager! Aujourd’hui, des enfants essaient de jouer au criquet sur l’une des places plus dégagée mais un troupeau de vaches les entoure soudain. Curieux, nous observons comment les gamins s’en sortent. Les vaches sont traitées avec des attentions particulières ici. Mais les jeunes repoussent les intruses une à une, doucement et continuent leur joute comme si de rien n’était. Quant à nous, nous continuons notre chemin en regardant où l’on met les pieds. Ces coquines laissent des traces odorantes dans lesquelles mieux vaut ne pas mettre les pieds.

Inlassablement, nous refusons les offres pour une balade en bateau. Nous en avons déjà fait l’expérience et je dois vous dire qu’une excursion sur le fleuve sacré soit au lever du jour ou au coucher du soleil nous ramène à une autre époque. Une aventure inoubliable. Je crois que c’est à ce moment que j’ai ressenti le mieux l’âge et la sagesse de cette vieille cité. Aujourd’hui encore, à toute heure du jour, les propriétaires de barques emplissent leur bateau de fervents pour aller déposer des pujas à l’intention de Ganga, la déesse-fleuve. Des centaines d’oiseaux les suivent afin de profiter de ces offrandes. Lors du coucher du soleil, les embarcations laissent derrière eux une traînée de fleurs et de petites chandelles allumées. C’est très joli.

Jour après jour, le soir venu, de grandes cérémonies se tiennent sur le ghat Dasashwamedh. Il est possible d’y assister soit à partir d’une barque accostée au bord du fleuve soit assis directement sur le ghat. Des milliers de pèlerins y assistent, entassés les uns sur les autres, installés sur des plateformes prévues à cet effet. L’ambiance n’a pas sa pareille et l’énergie qui y circule est difficile à décrire. Tant de personnes rassemblées avec la même ferveur. C’est très émouvant et c’est avec le sourire que nous invoquons ces beaux souvenirs.

Plus loin, des baigneurs viennent de loin pour se purifier dans l’eau qu’ils considèrent sacrée. Malgré la pollution bien documentée. Des familles entières bien souvent. Ils arrivent en groupe, avec leurs vêtements secs, leur contenant vide pour ramener l’eau du Gange et souvent, leur repas pour casser la croûte assis sur le ghat avant de repartir. Purifiés.

En plus des gens qui se baignent et d’autres qui font leur toilette, le fleuve sert aussi pour la lessive. En effet, sur plusieurs ghats, chaque matin, les vêtements sont lavés. Ceux-ci sont alors savonnés et rincés dans l’eau du Gange. Ils sont étendus par la suite sur de grandes surfaces de pierre pour le séchage, offrant au promeneur une vue sur un carousel de tissus colorés et parfois, sur des vêtements intimes.

Puis il y a les ghats de crémation. Lors de notre visite précédente, il y a quelques années, nous avions vu un fils qui s’assurait que les derniers rites soient exécutés pour sa mère. Je ne voulais pas assister à une crémation mais puisque qu’une cérémonie se tenait au moment de notre passage, nous avons pris le temps d’observer. J’ai été impressionnée par le côté solennel de la cérémonie. Nous avons quitté après quelques minutes. Cette fois-ci, nous passons notre chemin.

Nous logeons près du grand marché à quelques minutes de marche des ghats. Au bout d’une petite allée, derrière une haute clôture de métal, se cache un très joli guest house tout blanc. Le Shree Ganesha. Impossible d’imaginer qu’une si jolie demeure se loge derrière ces maisons à l’aspect délabré qui bordent la rue. Les chambres sont très propres et la nôtre donne sur une petite place avec des tables et des chaises. Un vrai havre de paix à l’abri de la circulation intense de la rue! Déjà que les déplacements à pied sont difficiles, ils sont compliqués par le passage des dévots qui se rendent au Gange et des promeneurs qui sillonnent le grand marché tout près. Les propriétaires des boutiques et des petits commerces lancent sans cesse des invitations inopportunes et incessantes. Ils ne s’arrêtent que pour déguster leur tchaï, rassemblés en groupe devant une boutique. Leur précieux liquide versé dans une petite tasse de terre cuite à usage unique. Jetée par la suite.  Sur le bord de la rue. Aussitôt la pause terminée, ils se remettent à nous inviter à visiter leur commerce. Avec insistance s’il vous plaît. Une litanie sans fin.

À Varanasi, il y a deux sortes de rickshaws. Les auto-rickshaws et les autres, tirés par un homme en vélo. C’est surprenant de voir le nombre de personnes qui peuvent monter en même temps dans ces véhicules! Et comment les chauffeurs peuvent se frayer un chemin partout, à des endroits où l’on s’imagine que c’est impossible. Comme passager, la route est déjà passablement cahoteuse dans les rues encombrées. Mais comme piéton, les rickshaws sont des armes redoutables. Mieux vaut se ranger à leur passage. Bien entendu, les chauffeurs se cherchent constamment du travail et aussitôt que nous faisons quelques pas dans la rue, ils nous interpellent: « Tuk tuk madam? » « Where are you going sir? » Et ils nous suivent, même si l’on dit non. Peu importe le nombre de fois où nous le disons. La meilleure solution est de ne pas répondre, ce qui nous rend très inconfortables. Dans notre culture c’est très impoli mais un simple « non » entame un échange. Ce n’est pas une bonne idée. Les Indiens eux-mêmes nous suggèrent de continuer notre chemin sans répondre. Cela fonctionne jusqu’à un certain point.

Il nous semble qu’à chaque fois fois que quelqu’un nous adresse la parole ici c’est pour nous inviter à consommer un service. « Voulez vous visiter ma boutique? Juste regarder »…ou une autre offre du genre. Les gourous, bien reconnaissables dans leurs habits orangés, leur visage peint et leurs innombrables colliers, proposent une photo. Mais nous savons qu’ils vont nous demander de l’argent alors ce n’est pas la peine. Une industrie mercantile née de celle de la religion…l’autre visage de Varanasi. Vous l’avez compris, celui que nous aimons moins.

La visite à Sarnath nous offre un bel interlude. Partis en auto-rickshaw, nous profitons de la température plus clémente, il fait plus chaud ici à Varanasi. Une belle journée à se promener à travers les ruines et à rêver des temps anciens. Sans oublier la visite du musée du site, un vrai délice encore une fois!

L’après-midi avant notre départ pour Khajuraho, nous arpentons pour une dernière fois les petites ruelles du marché. Un vrai labyrinthe. Nous croisons des habitants du quartier, visitons quelques boutiques et croisons pas mal de vaches. Et oui, même dans les ruelles d’à peine un mètre de largeur! Nous avons vraiment l’impression qu’il y en a davantage cette fois-ci!

À quelques reprises, nous avons de la difficulté à circuler près de certains temples en raison des interminables files d’attente de fidèles qui attendent patiemment avec leurs offrandes dans les mains. Il y a tellement de temples à Varanasi! Nous en avons visité plusieurs la veille et lors de notre visite il y a plusieurs années. Dans certains temples, plus réputés donc plus achalandés, il faut être déterminés pour se frayer un chemin afin de jeter un coup d’œil. Les gens se poussent pour avoir accès au petit autel dressé pour la divinité et déposer leur puja. Près de ces temples, des policiers armés de fusils surveillent la situation. Particulièrement où il y a de longues files d’attente. Il y a des tensions religieuses à Varanasi. Beaucoup de tensions. Et une bousculade se déclenche vite!. En souriant, nous passons à côté de ces fidèles qui nous regardent avec beaucoup de curiosité.

Mais c’est du haut d’un toit que nous disons au revoir à Varanasi. L’endroit où nous retrouvons des moments paisibles. Où nous aimons prendre nos repas. Écouter la musique qui vient d’une maison voisine. C’est là que nous avons une autre vision de la ville. Des vêtements de toutes les couleurs qui sèchent sur les balcons et des cerfs-volants des enfants qui flottent dans l’air en émettant un léger sifflement. Les grands édifices au loin, les barques sur le Gange. Des maisons plus propres et mieux aménagées que ce que notre vue à partir de la rue nous laisse entrevoir, les clameurs de la vie en bas…

Nous garderons un bon souvenir de Varanasi malgré tous ses enquiquinements. Mais deux fois est suffisant pour nous. Est-ce que nous recommandons d’éviter cette ville? Jamais. La visite en vaut la peine. Mais regardez où vous mettez les pieds.

Bodh Gaya

Bodh Gaya, un village construit près de l’emplacement où Lord Bouddha a eu son illumination suite à une longue méditation sous un arbre appelé Boddhi. L’endroit est devenu un site de pèlerinage et l’empereur bouddhiste Ashoka y a fait ériger le temple Mahabodhi quelques 250 années plus tard. C’est notre prochaine destination après Kolkata.

Nous prenons le train de nuit.

Ce soir, nous partageons un espace de six couchettes. Deux autres lits accommodent deux personnes, le long du couloir. Huit places dans un endroit assez restreint. Mon amoureux et moi aimons les trajets en train car ils offrent de belles occasions de faire des rencontres inoubliables. Cette fois-ci ne fait pas exception. À notre arrivée, un Indien est assis devant nous. Il se rend à Gaya, chez sa belle-famille, pour ramener sa femme, son fils de 5 ans et un bébé de quelques semaines. Un homme charmant avec un bel anglais et de belles manières. Peu avant le départ, un jeune asiatique se joint à nous. Grand, souriant et heureux d’apprendre qu’il est dans le bon wagon et qu’il n’est pas le seul à se rendre à Bodh Gaya, située à plusieurs kilomètres plus loin que Gaya… Un trajet en rickshaw s’imposera.

Pendant la soirée, alors qu’un vendeur de tchaï fait sa tournée, le jeune homme asiatique demande le prix puis en achète un. Il sort une liasse de roupies et paye sa consommation. Nous le regardons tous avec des yeux ronds. Sortir son argent de cette façon est bien la dernière chose à faire. Une règle élémentaire que n’importe lequel routard connaît bien. Mieux vaut ne pas étaler ses possessions. Notre co-locataire indien lui explique de ne pas se comporter ainsi. Mais le jeune homme comprend très peu l’anglais et le parle encore moins. Peine perdue. Questionné sur ses projets à Bodh Gaya, il balbutie quelques mots en anglais. Il y restera une seule nuit et je pense qu’il n’a pas d’hôtel. Il a l’air un peu perdu et pas très organisé. L’homme indien a les yeux de plus en plus inquiets. Finalement, le jeune asiatique sort son cellulaire et les deux hommes discutent à l’aide d’un traducteur. Le calme revient.

Je commence à aimer ce grand asiatique qui, malgré son air naïf, a la technologie de son côté et sait comment l’utiliser. Nous préparons les couchettes et après nous avoir salué très poliment, le jeune homme gagne celle qui lui est réservée, au dessus de celle de Robert et de la mienne. Au moment de fermer la lumière, l’homme indien nous dit: « Je suis inquiet pour lui » en indiquant le jeune homme endormi sur la couchette du haut.

Plus la nuit s’installe, plus l’air se rafraîchit. Nous sommes dans un « sleeping class », la classe la moins luxueuse. C’est tout ce qui nous restait lors de l’achat des billets. Les fenêtres ne ferment pas juste et le vent s’infiltre. Les habitués ont d’épaisses couvertures avec eux. Pas nous. Pourtant, nous avions prévu une température froide sur le train, mais pas à ce point. Malgré nos vêtements les plus chauds, le froid nous glace jusqu’aux os. En pleine nuit nous ouvrons nos bagages pour ajouter des couches de vêtements. Puis, nous quittons nos couchettes respectives pour nous blottir l’un contre l’autre et garder ainsi notre chaleur. Jusqu’au petit matin.

Les trains en Inde n’annoncent pas le nom des gares où ils entrent, alors il faut être vigilants. Dans le cas d’un train de nuit, mieux vaut mettre une sonnerie pour se réveiller avant l’arrivée prévue. Histoire de se préparer et de rassembler les bagages. Et surtout d’arrêter à la bonne gare. Ce matin, notre train a plusieurs heures de retard, c’est encore un peu plus compliqué car l’heure prévue de l’arrivée du train ne sert plus de repère. Notre compagnon indien connaît déjà le trajet et essaie lui aussi d’évaluer le temps qui nous reste avant de descendre.

Le jeune asiatique se lève à son tour. Mais encore une fois, il fait sourciller notre co-locataire indien avec son peu d’anglais et son allure un peu perdue. Celui-ci essaie de lui expliquer de ne pas acheter ses billets de train dans une agence à Bodh Gaya. Ce sage Indien ne semble vraiment pas faire confiance aux commerçants de cette ville. En souriant, Robert et moi écoutons ses recommandations sur les règles de sécurité. Il s’inquiète au sujet de notre compagnon asiatique. J’avoue que celui-ci semble être une proie facile. Jusqu’au moment où il sort son cellulaire, consulte son GPS et nous informe que nous sommes presque arrivés. Il se lève et rassemble ses affaires sous l’œil éberlué de notre compagnon indien!

À l’extérieur de la gare, l’Indien négocie le prix du rickshaw, monte avec nous ainsi que notre nouvel ami asiatique. Arrivé à destination, avant de descendre alors que nous continuons notre route, il nous demande par signe d’aider notre jeune compagnon. Nous acquiesçons même si je crois que le jeune homme sait très bien se débrouiller seul. Il est arrivé jusqu’ici, non?

Le trajet en rickshaw entre Gaya et Bodh Gaya, nous expose au vent frais du petit matin et nous arrivons à destination complètement frigorifiés. Au moment de payer le chauffeur de rickshaw, notre compagnon de fortune sort sa liasse de billets pour payer sa part et je ne réussis pas à lui faire comprendre que c’est dangereux de montrer son argent ainsi. Je laisse tomber, il ne comprend pas mon intervention. Comme si rien de mal pouvait lui arriver. J’aime de plus en plus ce jeune homme.

Heureusement, malgré notre arrivée hâtive, le personnel de l’hôtel nous laisse une chambre avec un chauffage d’appoint en surcroît. Nous laissons notre jeune ami régler son séjour à l’hôtel jusqu’à ce que personnel de la réception nous appelle. Sans réservation, la chambre doit être payée d’avance, c’est normal. Entre l’anglais boiteux du personnel de l’hôtel et celui presque inexistant de notre compagnon de fortune…je comprends que la discussion soit difficile. Je réussis à expliquer au jeune homme ce qui est attendu de lui, fait « Ahhhhh! » et heureux, il sort sa liasse de billets. Je l’adore.

Affamés, Robert et moi allons déjeuner. Après un bon repas chaud, nous sommes d’attaque pour profiter de la journée qui commence.  L’hôtel est situé un peu à l’extérieur de la ville mais des rickshaws collectifs font la navette régulièrement vers Bodh Gaya. Cela sera notre moyen de transport pour la durée de notre séjour.

Ce petit village, habituellement tranquille, devient un lieu de pèlerinage entre octobre et mars. Des familles complètes, des moines et quelques rares touristes, comme nous, viennent se recueillir au temple. Le Dalaï Lama y séjourne à l’occasion. Des temples boudhistes de plusieurs pays tel que la Thaïlande, le Tibet, le Bhoutan, le Japon, le Sri Lanka et la Birmanie sont construits un peu partout dans la ville. Ils lui donnent un air cosmopolite. Les rues les plus achalandées sont bordées d’étals de toutes sortes. Mais malgré cet aspect très mercantile de la cité et sa vie très animée pendant le jour, une atmosphère de recueillement règne un peu partout. Aujourd’hui, c’est l’exploration de cette petite ville qui nous intéresse.

En après-midi, un grand jeune homme m’interpelle avec un grand sourire. C’est notre ami asiatique. Il sort ses billets de train, heureux de son achat. Il me les montre, il n’a pas payé trop cher. Heureux, il a un sourire extraordinaire. Définitivement, j’aime ce jeune homme. Il ne faut pas se fier aux apparences, je suis sûre qu’il s’en sortira très bien.

Il fait froid en cette période de l’année. Tous portent des vêtements très chauds sauf pendant une heure ou deux l’après-midi alors que le soleil réussit à réchauffer l’atmosphère. Nous profitons de cette période la plus chaude pour visiter le temple Mahabodhi avec son Bouddha aux cheveux bleus. Entrés dans le temple pour nous recueillir avec d’autres pèlerins, nous observons un moine changer les vêtements de l’énorme Bouddha assis derrière une vitre. Cette cérémonie est accomplie plusieurs fois par jours.

L’arbre sacré, le Boddhi, est toujours derrière le temple, soutenu par des étais. Il est protégé par une grande clôture recouverte de guirlandes de fleurs. Des pèlerins s’assoient près de l’arbre pour méditer tandis que d’autres marchent sans interruption autour du temple en récitant des prières. L’énergie dégagée est palpable.

Par la suite, de longues marches dans les jardins autour du temple et près du ghat avec des milliers de pèlerins nous plongent dans une atmosphère inoubliable. Un grand évènement collectif avec des gens venus de tous les coins du pays pour se recueillir. À chaque visite d’un temple, Robert et moi sommes émerveillés par la ferveur des gens croyants. Aujourd’hui, à plus d’une reprise, mon regard est attiré par le visage paisible d’un moine plongé dans sa méditation.

En fin d’après-midi, nous entrons nous réchauffer et déguster un bon café dans un minuscule restaurant. Il sert un café digne de ce nom. Quel bonheur!

Quelques jours plus tard, satisfaits de notre visite à Bodh Gaya, Robert et moi reprenons notre route. Cette fois-ci, nous prenons un train de jour vers Varanasi. Il fera plus chaud et d’autres découvertes nous attendent.

Une marche dans Kolkata

 

Nous sommes en Inde. À Kolkata, pour être plus précis.

Aujourd’hui, nous allons au marché aux fleurs, à pied et vous venez avec nous.

Robert a programmé le trajet sur son IPhone à partir de l’application Google Maps. Une fois le trajet enregistré, il peut le consulter hors ligne. Le GPS de l’appareil indique notre situation par un petit point bleu qui nous suit dans nos déplacements. Nous connaissons toujours notre position. Ne vous inquiétez pas, impossible de se perdre. Pas longtemps du moins.

Il fait froid aujourd’hui, quelques degrés plus froid que d’habitude à cette date, selon les habitants de Kolkata. Les femmes se promènent avec de grands châles épais enroulés autour de leurs épaules, par dessus leur sari. Comme d’habitude, les couleurs s’harmonisent parfaitement, peu importe la simplicité du sari. Les hommes portent un manteau et un foulard autour du cou, certains l’ont enroulé autour de leur tête. C’est l’hiver. Par contre, le soleil se montre le bout du nez en cette fin d’avant-midi et devrait nous réchauffer un peu. Nous portons nos chandails les plus chauds. Tout ira bien.

Des itinérants dorment encore, recroquevillés sous une couverture d’une couleur douteuse, couchés à même le sol ou sur des cartons étendus sur le trottoir. Certains, se sont recouverts entièrement et il est bien difficile d’imaginer un être humain blotti sous cet amas de couvertures. Les passants circulent juste à côté sans même jeter un regard. Quant à nous, nous évitons aussi de les regarder, leur laissant ce qui leur reste d’intimité. Le bruit de la circulation environnante et le passage des gens ne semblent pas les déranger. Ils sont habitués. Ils n’ont pas le choix.

La place autour du nouveau marché est curieusement tranquille. Habituellement les rues environnantes sont envahies par les marchands et les promeneurs. Le sol est entièrement couvert de marchandises de toutes les sortes. On peut trouver presque tout ici mais il est extrêmement difficile d’y circuler. Nous évitons habituellement sinon c’est la bousculade assurée ou des sollicitations qui ne finissent plus. Mais aujourd’hui, c’est pratiquement désert. Un homme nous apprend que c’est l’anniversaire d’un militaire important, il a milité pour l’indépendance du pays, en même temps que Gandhi. Plusieurs personnes ont congé et certains commerces sont fermés. En effet, les rues nous apparaissent plus calmes. Mais elles ne sont pas désertes pour autant.

Aussitôt dépassé le marché, un petit carrefour s’ouvre devant nous. Un immense marché à ciel ouvert apparaît, encadré par de hautes maisons. Le genre de marché qui s’installe le temps de le dire sur une espace vide et propose des vêtements, des saris et des châles de toutes les sortes. Les marchands arrivent avec de grandes boîtes le matin et repartent avec leur matériel invendu en fin de journée. C’est le festival des couleurs, des textures et des tissus chatoyants. La place est en pleine effervescence avec les bruits de conversations et les pétarades des motos qui se frayent un chemin à coup de klaxon. Quelle ambiance! Soudain, des femmes avec des bébés dans leurs bras nous abordent pour demander de l’argent, de la nourriture ou du lait. Elles sont insistantes, très insistantes. Une d’entre elles tire sur mon chandail alors que d’autres sollicitent mon attention en criant: « Auntie, auntie! » en espérant que je me retourne. Je résiste en sachant que certaines d’entre elles font partie d’un réseau, que d’autres auraient d’autres solutions que la rue. La présence du marché et d’acheteurs éventuels les a attirés. On nous dit de ne pas leur donner d’argent car cela les maintient dans la rue. J’ai questionné des gens du pays à plusieurs reprises et la réponse est toujours la même. Ne pas donner sauf peut-être aux personnes handicapées ou aux femmes très âgées. Même à eux, c’est impossible de donner à tous. Il y en a tellement! C’est difficile de ne pas se laisser attendrir, surtout quand le bébé nous regarde avec ses grands yeux bruns immensément brillants, les vêtements et les cheveux sales. Les plus vieux ne vont pas à l’école…quelle vie les attend? Un Indien parle aux femmes dans leur langue et à ses gestes je crois qu’il leur demande de nous laisser passer. Venez!

Secoués? Nous le sommes aussi. Je ne me suis jamais habituée. Malgré tous ces mois passés en Inde, j’ai plus de questions que de réponses. À quel soutien ces gens ont-il accès? Malgré toutes mes recherches, les réponses sont nébuleuses. J’ai entendu dire qu’à certains endroits, il y a distribution de nourriture et que plusieurs ONG font du travail sur le terrain. Pour le reste, je n’en sais trop rien et cela m’attriste, comment pouvons nous aider?

Continuons notre chemin. Robert vient de consulter le trajet sur son IPhone, nous sommes sur la bonne route. Mais il faut traverser la rue. De l’autre côté, des motos sont stationnées en rang serré sur le trottoir et il est bien difficile de se frayer un chemin. Elles sont placées si près l’une de l’autre qu’un faux mouvement qui ferait tomber une moto ferait tomber toutes les autres, comme un jeu de domino! C’est un peu le scénario qui m’inquiète à chaque fois que je dois passer entre des motos stationnées en ligne sur le trottoir. Vous connaissez ma maladresse…
Une musique se fait entendre. Allons voir! La musique se fait de plus en plus forte et le chanteur a une jolie voix. Des chaises sont placées devant une estrade.Des enfants se retournent, je leur souris et ils m’envoient la main. D’un signe, ils proposent de nous asseoir. Et bien, allons-y! Robert adore cette musique et le joueur de tabla est excellent. De temps en temps, quelqu’un réalise que nous sommes là et donne un coup de coude à son voisin en nous montrant du menton. Le sourire arrive peu après quand je leur adresse un large sourire. Nous sommes les seuls blancs depuis un bon moment déjà. Ne soyez pas intimidés. Regardez plutôt autour de nous. C’est tout un spectacle d’être assis à ce carrefour avec de grands édifices grisâtres en arrière-plan, le passage incessant des autobus d’un côté, et de l’autre, des livreurs avec un lourd chargement sur la tête. Ce n’est pas tout le monde qui est en congé. Le soleil commence à se faire plus chaud et c’est plus confortable. Le spectacle terminé, Robert serre la main du chanteur et nous reprenons notre route. Suivons-le!

Sur notre droite, un homme et son fils font leur toilette à un point d’eau situé en bordure du trottoir. Bien savonnés, il sont sur le point de se rincer. À l’eau froide. En silence, concentrés sur leur tâche, les yeux baissés. Nous détournons le regard. Ces points d’eau sont pour tous. Les cuisiniers des échoppes sur le trottoir s’en servent pour laver leur vaisselle, sur le côté de la rue. D’autres viennent faire une provision d’eau. Plus loin, des mères lavent leur enfant, une autre nettoie ses pieds et ses sandales de plastique. Cette eau n’est accessible qu’à certaines heures de la journée. Mieux vaut en profiter.

À un autre point d’eau, une femme fait ses ablutions en se cachant avec son sari alors que des hommes déchargent patiemment un camion de sable à l’aide d’une pelle. Ils ne s’occupent pas de la femme même s’ils ont dû se stationner à un mètre d’elle. Quant à la femme, elle continue à se savonner, bien concentrée. Passons notre chemin.

Quel est ce bruit? C’est le tramway qui avance lentement. Il circule dans des quartiers précis et à certaines heures seulement, selon la circulation. Il est bondé. Les passants, les motos et les autos n’ont pas le choix de lui laisser le passage. Sa route est toute tracée, il ne peut en dévier. Il y a de plus en plus de gens dans les rues, la circulation est plus dense, c’est difficile de traverser. Tenons-nous ensemble. Pour les intersections plus importantes, mieux vaut attendre d’être plusieurs avant de mettre le pied dans la rue. Le traffic n’a donc pas le choix de s’arrêter. Mais ça va, ce n’est pas long avant qu’un petit groupe se forme il y a tellement de monde! Attendons un peu.

Vous entendez des bruits de clochettes et des bêlements? Vous ne rêvez pas. Des moutons défilent devant nous. Suivies de leur gardien. En bordure de la rue, entre les vélos et les rickshaws. Un troupeau de moutons dans les rues de Kolkata, en plein après-midi. Je n’ai aucune idée d’où ils viennent, ni où ils vont. Mais je peux vous assurer que cela arrive tous les jours.

Robert consulte de nouveau notre trajet sur son IPhone. Il se met en retrait pour ne pas trop attirer l’attention et je me place devant lui. C’est une précaution que nous prenons partout même à Kolkata, où nous nous sentons en sécurité sur la rue. En plein après-midi particulièrement. Un calme règne malgré le bruit des autos et des motos qui ne cessent de klaxonner. Tout près, une petite famille est assise sur le trottoir, au soleil. Des hommes, des femmes et des enfants dans un arc-en-ciel de couleurs. Un des enfants semble raconter quelque chose et fait de grands gestes. Une des femmes le regarde en souriant, ses yeux pleins d’amour et de fierté. Elle fait des signes complices à l’homme devant elle. L’amour familial à son meilleur.

Des hommes filiformes nous abordent. Ils nous offrent de monter dans leur rickshaw. Ils le tirent avec leurs bras, marchant souvent pieds nus. Robert dit qu’il a y eu de grandes discussions sur leur sort à Kolkata. La décision a été prise de ne plus accepter de nouveaux « pulled rickshaw » mais de permettre seulement à ceux qui avaient déjà leur permis de continuer car c’est leur unique moyen de survie. Jusqu’ici j’ai toujours refusé de monter. Je ne m’en sens pas capable. Pourtant, me rappelle Robert, c’est leur gagne-pain. Nous voyons régulièrement des personnes utiliser leurs services et pas nécessairement des touristes. Et vous? Le feriez-vous? Continuons notre route.

Sur la gauche un homme se fait raser, assis sur un petit banc sur le bord du trottoir. Presque au coin de la rue. Les yeux fermés, il lève le menton avec confiance afin que son barbier puisse le raser avec plus de facilité. Les gestes de celui-ci sont lents et précis. Un moment presque intime entre celui qui a besoin d’un service et celui qui fait son travail de son mieux. Le lieu, les gens qui passent et les bruits environnants ne semblent pas avoir d’importance. Il fait bon sous le soleil d’après-midi.

De chaque côté de la rue des commerces se succèdent. Sur la droite, ceux des tailleurs de pierre. Ils travaillent assis par terre, couverts de poussière, bien concentrés sur leur œuvre. Ils ont beaucoup de talent et leur travail est raffiné. De l’autre côté de la rue, des marchands de chaudrons et de contenants de métal de toutes les sortes attendent leurs clients. Plusieurs d’entre eux lisent leur journal, bien tranquillement. Je m’arrête devant un magasin de paniers et je prends une photo. Robert me sourit, il connaît ma passion pour la vannerie. Un homme est assis devant le commerce voisin. Du regard et d’un signe vers mon appareil photo, je lui demande la permission de le photographier. Il acquiesce d’un hochement de tête et prend la pose. Je le remercie et lui montre la photo. Il sourit. La photo lui plaît. Un peu plus loin des chiens dorment sur le trottoir, étendus au soleil. Rien ne les dérange et ne bougent pas d’un poil à notre passage.

Nous marchons encore, puis Robert regarde de nouveau notre trajet. À l’expression de son visage, je réalise que quelques chose ne va pas. Nous marchons dans la mauvaise direction depuis plusieurs minutes. Intrigués par nos observations, nous avons changé de rue. Je ris…Ce n’est pas grave. Nous arriverons au marché de fleurs un peu plus tard et par un autre chemin. C’est tout.

Le quartier semble de plus en plus pauvre, les rues plus étroites. Il y a moins de commerces sauf des marchands de fruits le long du trottoir ou un peu de cuisine de rue. Nous traversons une voie ferrée et j’arrête, surprise. Un bidonville construit le long de la voie. Tout près. Très près du passage du train. Des maisons en tôle et en carton. Robert prend des photos mais j’en suis incapable…tant de pauvreté. À l’infini.

C’est le visage que nous montre Kolkata. Ces visages de la rue. Tous ces autres passants que nous avons rencontrés ont probablement une vie plus privée, sûrement plus douce. Mais celle-là, nous n’allons que la deviner. Comme un bel appartement derrière une porte entrebâillée.

Nous approchons de la rivière et des ghats. Robert me montre le pont Howrah tout près. Le marché aux fleurs commence sous ce pont. Nous sommes presque à destination, ne vous inquiétez pas. Voyez vous, sans cette erreur de trajet, nous serions arrivés de l’autre côté et nous n’aurions jamais vu le bidonville.

En approchant du pont, des bruits de toutes sortes deviennent de plus en plus intenses et nous apercevons les premiers marchands. Entourés d’un va et vient continu, très dense. J’ai lu que ce marché poursuit ses opérations jour et nuit, que ses fleurs sont distribuées partout au pays. Je le crois volontiers en observant ces hommes qui transportent de grands paniers de fleurs sur leurs têtes. Certains montent l’escalier vers le pont, toujours avec leur chargement sur leur tête. Ils crient quand quelqu’un se place sur leur route et les empêche de passer. Leur charge doit être lourde! D’autres descendent ce même escalier avec d’immenses sacs sur leur tête. Ils les déposent avec fracas aux pieds du marchand destinataire.

Une discussion s’entreprend sur notre droite. Deux femmes crient. L’une fait un signe de main à la vendeuse et fait mine de quitter. Elles se crient à distance. N’ayez pas peur…elles négocient, elles négocient serré mais c’est tout. Un camion se fraye un chemin avec difficulté. Nous devrions aller sur le côté, entre les marchands pour lui laisser de la place.

Je veux monter sur le pont pour voir la scène de plus haut. Vous venez? Oui, je sais, monter l’escalier avec tous ces gens n’est pas une tâche facile mais cela ira. Nous sommes au bout du monde, il faut en profiter. C’est beau non! Regardez! Le marché est si grand vu d’en haut! Derrière nous, un flot incessant de personnes avance sur le trottoir du pont, passant d’une rive à l’autre. Nous sommes en fin d’après-midi et les gens rentrent chez eux. Il est temps pour nous de rentrer aussi car la noirceur arrivera bientôt et nous serons mieux à l’hôtel.

Prenons un taxi, nous avons assez marché aujourd’hui. Les bruits continuels, la circulation dense, la foule, c’est fatigant au début. Et Robert veut aller déguster un bon thali dans le restaurant où nous sommes allés l’autre soir sur Park Street. Venez, vous allez aimer.

Il fait presque nuit lorsque nous arrivons finalement sur Sudder Street, la rue de notre hôtel. Les gens de la rue ont commencé à faire des feux sur le trottoir. Ils se tiennent debout, les mains tendues au dessus des flammes pour se réchauffer les mains. Les chauffeurs de taxi ont mis leur tuque et leur manteau. Les itinérants portent leur couverture sur le dos. La nuit sera fraîche.

Mammallapuram

Note: bien que nous soyons de retour au Canada depuis quelques temps, il me reste des aventures à vous raconter. De nouveaux articles paraîtront sous peu.

Mars 2015

Nous sommes partis de Bengalore à 8:00 du matin pour un trajet de six heures trente vers Chennai. Après un transfert en auto-rickshaw vers le terminus d’autobus, nous nous préparions pour un autre trajet de deux heures trente. Nous allions à Mammallapuram pour quelques jours. Notre périple de quatre mois s’achevait et nous voulions passer un peu de temps près de la mer. Mais pour l’instant, il faisait chaud et nos sacs à dos nous pesaient sous le soleil d’après-midi.

L’Inde se réchauffait graduellement. Il ferait bientôt très chaud, les Indiens nous avertissaient. Déjà le rythme de vie changeait, il fallait s’adapter, ralentir le pas et prévoir plus de pauses.

Le terminal d’autobus à Chennai était immense, les indications n’étaient pas en anglais et nous devions demander notre chemin. Les informations contradictoires recueillies auprès du personnel nous ont fait visiter le terminal plus que nous ne l’aurions souhaité.

Finalement, nous avons déposé nos sacs près d’un banc et Robert a continué sa recherche seul pendant que je surveillais les bagages. Trempée, j’avais chaud et un mal de tête refusait de me quitter. J’étais soulagée d’arrêter car depuis plusieurs minutes, ma seule idée était de suivre Robert sans tomber. Je ne me sentais pas bien.

Robert a trouvé rapidement le bon quai puis est revenu pour m’aider à approcher nos sacs. Deux femmes attendaient déjà et c’est elles qui l’avaient renseigné. Lorsqu’elles m’ont vu elles ont fait signe en montrant mes cheveux. J’ai compris qu’elles aimaient soit la couleur ou la coupe. Elles me souriaient et je retournais leur sourire malgré la douleur à la nuque. J’anticipais un peu le trajet en bus.  Nous n’avions pas l’assurance d’une place assise ni d’un endroit pour poser nos bagages. La fatigue de la journée me rattrapait, cela arrive parfois.
Puis les deux femmes se sont mis à parler avec animation et à changer des regards complices. À leurs gestes j’ai compris que cela avait un lien avec mes cheveux. L’une d’elles avait un sac à la main, elles ont défait le noeud, révélant des fleurs fraîches. Choisissant une rose rouge et elles ont pointé mes cheveux avec insistance. J’ai cherché une barrette dans mon sac et l’une des femmes a pris une pince dans ses cheveux. Avec la pince et ma barrette elles ont fixė la rose un peu derrière une de mes oreilles. Les deux indiennes ont aimé le résultat, Robert aussi. Le rouge devait trancher sur mes cheveux gris. Je les ai remerciées la main sur le cœur. Elle s’exclamaient et montraient la fleur à Robert cherchant son approbation. Tout le monde riait et soudain, la vie est devenue plus douce. Parfois il suffit d’un geste…

Le reste du trajet s’est bien déroulé et notre hôtel était bien. Un très grand soulagement après avoir lu les critiques sur l’hébergement à Mammallapuram. Nous avions eu beaucoup de difficultés à trouver un hôtel qui nous semblait décent et en général les critiques sur Trip Advisor n’étaient pas très encourageantes. Nous avons été très chanceux et le personnel était plus que gentil.

Mais l’Inde n’avait pas dit son dernier mot et de nouvelles découvertes nous attendaient. Située sur le bord de la mer, Mammallapuram possède plusieurs temples dont certains ont été révélés suite au passage du tsunami en 2004. Les archéologues effectuent toujours des fouilles dans certains de ces vestiges. Le premier site que nous avons exploré sous le chaud soleil du Tamil Nadu est le Shore Temple construit juste sur le bord de la mer il y a 13 siècles. Pour le protéger des embruns et de l’érosion, une digue a été construite et une lisière d’arbres a été érigée. Nous ne pouvons donc plus apercevoir la mer aussi bien à partir du site mais nous entendons certainement les vagues qui sont assez fortes dans la région.

 

Nous sommes restés pour tout le reste de notre séjour et nous avons décidé de ne pas visiter Chennai ce voyage-ci.

Nous avons passé des jours heureux à Mammallapuram malgré le soleil de plus en plus ardent et la chaleur difficilement supportable en après-midi. Nous avons doucement dit au revoir à ce pays que nous aimons tant. Je me faisais à l’idée de reprendre l’avion vers un pays où le froid sévit encore, partagée entre mon désir de revoir les enfants et les petit-enfants, la famille, les amis et continuer notre vie de nomades remplie de découvertes. Pour ma part, j’ai quitté ce pays à regret mais avec le sourire à la pensée de retrouver ceux que j’aimais.

Puttaparthi

Dès le début de notre séjour en Inde, je me demandais s’il existe dans ce pays une structure sociale pour aider ceux qui sont dans le besoin, principalement les enfants. J’imaginais bien que des services existaient mais l’Inde est si grande et si diversifiée, comment trouver? Mais je ne m’inquiétais pas, la vie nous envoie les réponses si on lui en laisse la chance. Lire la suite

Puducherry

Pondichéry…juste le nom fait rêver. Une visite dans cette ville teintée par la présence française s’imposait presque. Et de belles surprises nous attendaient.

Notre première réalisation? Un tour de ville à pied organisé par le Shanti Tour et en français à part cela! Nos coups de cœur? Notre charmant guide Devi Singh, le Grand Bazaar et la bénédiction de l’éléphant au temple de Ganesha.

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L’autre surprise? Un Centre Culturel qui offre des cours sur des savoir-faire selon les traditions indiennes, plus particulièrement celles sur le Tamil Nadu. Une belle façon de passer un après-midi et d’apprendre davantage sur les coutumes indiennes. Les formations sont données par des indiennes et le contexte des cours est souvent propices aux échanges surtout quand nous ne sommes que deux! Il y a aussi des cours de cuisine qui consistent à une visite au marché pour acheter les produits, la préparation du repas et la dégustation des plats pour terminer! Nous n’avons pas suivi cette formation mais cela nous a semblé très bien! Plusieurs autres activités sont disponibles et si vous passez à Puducherry, n’hésitez pas à leur rendre visite.

Pour en savoir plus…www.pondicherry-arts.com

À mon premier cours cours au Centre Culturel Sita, j’ai  appris à fabriquer des boucles d’oreilles selon la technique Jimikki. Notre professeur ce jour-là N. Ageela est une jeune femme remplie de ressources et ses explications étaient claires. Julie,l’autre participante et moi avons réussi chacune deux paires de boucles d’oreilles. Aucune photo de notre professeur n’apparaîtront sur le blogue. Elle n’a pas donné son autorisation car elle n’est pas mariée et ne doit pas apparaître en photo. Il va sans dire que son choix a été respecté.

La technique Jimikki est une technique très ancienne qui est utilisée depuis longtemps pour orner différents objets. Aujourd’hui, les femmes utilisent cet utilisation du papier pour faire des bijoux. La seule limite est l’imagination!

Lorsque nous avons vu qu’il y avait aussi un cours sur la réalisation de kolam, Robert et moi nous sommes inscrits aussitôt! Même si encore aujourd’hui les kolam sont réalisés par des femmes, Robert voulait comprendre la technique et l’expérimenter. Il ne s’en est pas mal tiré du tout! C’est très difficle et cela demande de la pratique! Et nous avons appris qu’il y a plus que la réalisation de l’œuvre, c’est un bel exercice de souplesse et aussi de concentration. Les kolam les plus compliqués et les plus élaborés  ont le même effet que les mandalas!

Nous avons passé de très beaux moments avec Anitha notre professeur bien installés sur un patio de ciment sous un arbre qui nous gardait au frais dans ce pays dont la tempėrature se réchauffe de plus en plus. Nous avons profité de l’ambiance calme pour poser nos questions sur les habitudes indiennes reliées à la réalisation de kolam au quotidien. Merci Anitha!

Nos discussions avec N. Ageela, Devi Singh et Anitha nous ont appris encore un peu plus au sujet de cette Inde que nous aimons tant. Nous avons apprécié leur générosité. Plus nous apprenons, plus nous comprenons. Merci!

Rameswaram ou l’île oubliée

Quand nous planifions notre prochaine destination, nous décidons avec l’information qui est à notre portée. Parfois elle est bien incomplète ou porte à confusion. Parfois l’exercice ressemble presque à un coup de dés.

Cette fois-ci, notre questionnement est Rameswaram pour son temple réputé et aussi parce que c’est l’endroit où le golfe du Bengale et l’océan Indien se rencontrent. Le temple de Ramanatha Swami et la ville construite autour sont reconnus pour la ferveur des pèlerins qui se rendent à cette ville sainte, souvent comparée à Benarès. Lire la suite

Les rues de Madurai

Fidèles à nos habitudes, nous avons loué les services d’un  conducteur de rickshaw pour visiter la ville de Madurai et les environs. Pour nous c’est une belle façon d’offrir un peu de travail à quelqu’un de la région  et de découvrir la ville à notre rythme. Cette fois-ci c’est P. Theiventhiran qui nous a proposé un circuit des marchés, des ruelles des quartiers populaires. Tout cela à bord de son vélo-rickshaw. Lire la suite

Madurai et le sourire des Indiens

Madurai, grande ville de plus d’un million d’habitants située dans le Tamil Nadu, presque dans la pointe du sud de l’Inde. Plusieurs des temples du Tamil Nadu font partie du Patrimoine de l’Humanité et nous serons très heureux de découvrir une partie de cette région.

Dès notre arrivée à Madurai, nous avons eu l’impression d’être dans un film d’époque avec ses marchés, ses rues étroites parfois même en terre battue. Comme dans plusieurs villes en Inde, les déplacements le long des rues sont périlleux en raison du flot incessant de motos, de vélo rickchaws, des auto rickchaws, les vélos et les autos. Lire la suite