Après la visite de Dharavi, j’ai eu besoin de quelques jours pour réfléchir à ce que nous avons vu pour mieux vous le décrire. Je suis prête maintenant…
Robert et moi avons eu la chance de passer une matinée à Dharavi, le plus grand bidonville de Mumbai…est-ce que j’ai été surprise de ce que nous avons vu? Pas trop, mais un peu quand même. Pour nous y accompagner, nous avions choisi l’agence Reality Tours And Travel, une ONG dont un des objectifs est de faire connaître et de démystifier ce qu’est un bidonville. Pour ce faire, l’agence a pris une entente avec les occupants pour faire visiter ce labyrinthe de petites rues, de maisons à deux étages, collées les unes sur les autres. Lors des discussions il a été entendu qu’aucune photo ne serait prise à l’intérieur du bidonville et que la vie des résidents serait le moins perturbée possible. C’est donc avec grand respect et le sentiment d’être privilégiés que nous sommes entrés à Dharavi avec notre guide Rakesh Shetty.
En plus d’être un milieu de vie pour plus d’un million d’habitants, Dharavi est aussi un lieu de travail pour des milliers d’ouvriers. La récupération et la transformation de matières plastiques, le reconditionnement de bidons d’huile ou de peinture sont des exemples de commerces qui ont pignon sur rue. Certaines de ces entreprises emploient des personnes à petits salaires pour faire un travail dans un environnement malheureusement souvent toxique. C’est le côté sombre de la récupération. Rakesh nous a expliqué que les hommes qui travaillent dans certaines usines viennent d’une autre région et n’habitent pas Dharavi. Ils n’ont pas les moyens d’y louer une maison, ils dorment sur leur lieu de travail et ceci pendant plusieurs années afin de pouvoir acheminer régulièrement de l’argent à leur famille. Le long du parcours, avons aussi observé la fabrication de valises, de poterie, de vêtements et de nourriture qui sont destinés à être vendus sur la rue. Ce grand bidonville peut générer un chiffre d’affaire d’environ 667 millions annuellement!
La section résidentielle quant à elle, est divisée en quartiers réunissant des familles de même religion en provenance de toutes les régions de l’Inde. Elles y ont leurs temples et les lieux nécessaires pour se regrouper selon leurs valeurs. Selon notre guide, les contacts sont maintenant plus faciles entre les différentes croyances mais, à la lumière de ce que j’ai entendu, je ne crois pas que les mariages inter-religions soient favorisés. À l’intérieur des quartiers, les maisons sont très rapprochées ne laissant assez d’espace pour qu’ une seule personne à la fois puisse y circuler. La plupart des maisons ont deux étages, la famille élargie habite un étage et loue le deuxième pour se faire un revenu supplémentaire. Le prix de ces loyer est cher, même dans le bidonville.
Nous avons vu une ville dans une ville avec un système social très précis. La plupart des habitants de Dharavi n’y travaillent pas et ils sont des milliers à prendre le train pour se rendre sur le lieu de leur travail ailleurs dans Mumbai. Plusieurs d’entre eux sont instruits et occupent de bons emplois. En effet, le bidonville possède des écoles, un hôpital, un centre communautaire, des marchés et tous les commerces nécessaires à la vie quotidienne. La vie de quartier est riche, l’entraide est au rendez-vous et la bonne humeur aussi. Des femmes m’ont demandé en riant de venir faire des petits pains plats avec elles et se sont bien amusées en voyant ma tête! Elles sont si habiles…je n’aurais eu aucune chance! J’ai passé mon tour en riant moi aussi. Un peu plus loin, nous avons goûté un fruit que nous ne connaissions pas, les gens ont tellement insisté que nous n’avons pu refuser…
D’un autre côté, nous avons observé des faits troublants. Nous avons vu un système d’égouts à peine couvert par endroits et des familles entières qui habitent de petites maisons de 10 pi X 10 pi. Certains parents n’envoient pas leurs enfants à l’école encore aujourd’hui. Ils ne croient pas à cette forme d’éducation ou ils n’ont pas d’argent pour les fournitures scolaires. Il y a peu de toilettes sauf des toilettes communes, bondées aux heures de pointe et …pas très invitantes, loin de toutes les règles de salubrité. Plusieurs résidents choisissent donc de faire leurs besoins dans la nature… Je n’ose penser à l’état des rues au temps de la mousson. L’électricité et l’eau courante ne sont disponibles que quelques heures par jours….l’eau doit être bouillie.
Notre guide habite lui aussi dans un bidonville et il est fier de nous y présenter la vie. Et c’est peut-être ce qui m’a le plus fait réfléchir. Sa fierté de la vie dans le bidonville. Il a sûrement raison, c’est un magnifique exemple de résilience et d’entraide. Nous avons vu des personnes qui se sont regroupées comme elles ont pu pour survivre et c’est très touchant. Mais même à Dharavi, il y a des plus riches et des plus pauvres, des gens qui en profitent pour exploiter des plus démunis et d’autres qui ont peu de choix. Mais non, vivre dans un bidonville n’est pas une vie de luxe même si les habitants sont souvent fiers de leur environnement et que l’entraide est au rendez-vous…